Pourquoi des sas au bloc opératoire

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Pourquoi des sas au bloc operatoire

Lors de la réalisation de la première clinique conçue, avec l’accord de l’Administration, en l’absence de double couloir propre/sale, des conditions précises avaient été négociées pour faire accepter cette entorse aux principes longuement appliqués dans la conception des blocs opératoires. Cette clinique est à Boulogne sur Mer, la clinique de la Côte d’Opale, et la négociation s’était déroulée sous l’autorité vigilante du Médecin Directeur de la DRASS du Nord Pas de Calais. C’était à la fin des années 80.

Depuis, cette petite révolution est entrée dans les mœurs et bien peu en connaissent l’origine. Mais ce qui est plus gênant, c’est que les principes durement négociés à l’époque sont tout aussi méconnus. C’est regrettable car les différentes DRASS de France ont peu à peu repris cet exemple à leur compte sans exiger ce qui avait représenté, dans le Nord Pas de Calais, autant de conditions sine qua non à la mise en œuvre de cette organisation qui, il est vrai, a des conséquences dont il faut tenir compte.

CONCENTRATION DES FLUX

La suppression du couloir sale ramène dans l’unique circulation centrale du bloc opératoire, l’activité qui se déroulait auparavant à l’arrière des salles d’opération. Cela représente des allées et venues supplémentaires et des risques de pollution si le conditionnement des charges sales n’est pas correctement réalisé, particulièrement lors des interventions septiques.

A cela correspondent des flux de chariots et de personnel qui imposent d’élargir le couloir central, qui ne doit en aucun cas être inférieur à 3 m et plus, selon le nombre de salles et l’organisation des liaisons avec les secteurs logistiques du bloc opératoire.

CONCENTRATION DES POLLUTIONS

Chaque individu dégage de manière continue 3.108 squames cutanées par jour, d’origine périnéale notamment, ce phénomène étant accru par l’abrasion des vêtements et les déplacements. Autant dire que dans un couloir, toutes les conditions sont requises pour assurer une pollution significative. S’ajoute la pollution oropharyngée, d’autant plus forte que le masque est plus ou moins bien porté. Plus le bloc est important plus le nombre de personnels, de médecins et de patients l’est aussi. En conséquence, un bloc opératoire de 20 salles d’opération concentre dans ce couloir une pollution microbienne significative dont chacun pourrait mesurer l’importance en pratiquant, à l’occasion, des prélèvements itératifs de l’air à l’aide d’un bio collecteur.

La première obligation retenue par la DRASS du Nord Pas de Calais était de ventiler ce couloir unique avec un apport minimum d’air propre (ISO 8) de 10 volumes/heure pour diluer la pollution d’origine humaine. Force est de constater que dans de nombreux projets réalisés depuis, l’économie de surface représentée par la suppression du couloir sale a été prise en compte, mais pas le débit d’air correspondant à la dilution de la pollution concentrée dans le couloir unique.

Prendre le bénéfice et rejeter la contrainte conduit à un accroissement du risque de pollution des salles d’opération.

DE LA SUPPRESSION DES SAS DES SALLES D’OPÉRATION

Non contents d’économiser de la surface avec la suppression d’un couloir, certains concepteurs de bloc opératoire sont allés plus loin en supprimant également le sas d’accès, généralement sous prétexte qu’il n’était plus utilisé pour la pré anesthésie. Ceci est exact et la surveillance du patient, au minimum prémédiqué, dans une zone de la SSPI constitue une mesure de sécurité salutaire par rapport à son isolement dans un sas plus ou moins surveillé. Par contre, la suppression des sas entraine d’autres conséquences, directement liées à la pollution du couloir central évoquée ci-dessus.

En effet, la qualité microbienne de l’air qui environne le déroulement de l’acte opératoire a pour objectif de protéger la plaie, les instruments chirurgicaux, les champs opératoires et les tenues chirurgicales stériles. Lors des interventions non contaminantes, la salle est placée en surpression, c’est-à-dire que le volume d’air extrait de la salle est inférieur au volume d’air qui y est introduit. Le différentiel constitue la surpression qui s’évacue par la périphérie de la porte selon un débit de fuite connu par type de matériel, qui est pris en compte lors du calcul des installations de traitement d’air. A condition bien sûr que la salle soit étanche par ailleurs.

Le débit correspondant à la surpression représente approximativement 10% du volume d’air introduit dans la salle. Pour une salle de chirurgie orthopédique, fréquemment traitée avec 5000 m3/heure, ce qui est considérable, mais c’est un autre problème, la surpression mobilise environ 5 à 700 m3/heure. Elle s’exprime en Pascals et se situe entre 15 et 30 Pascals par rapport à son environnement immédiat.Elle est contrôlable visuellement en continu par des manomètres. Tout va très bien, à condition de ne pas ouvrir la porte.

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Plan de bloc sans sas

En effet, l’ouverture d’une porte correspond à une brèche dans un système étanche, aussi brutale que considérable car elle mesure 1,40m x 2,10m, soit près de 3 m2. La surpression s’effondre instantanément. Il est possible de vérifier les mouvements des masses d’air entre  la salle d’opération et le couloir central en utilisant une poire à fumée froide, bien connue des ingénieurs travaillant sur les traitements d’air car elle permet de visualiser les flux.

Il est ainsi possible de mettre en évidence que l’air de la salle d’opération, généralement plus froid que celui du couloir, s’écoule massivement par la partie basse de l’ouverture. Le plus inquiétant est de constater que l’air plus chaud du couloir pénètre dans la salle d’opération par la partie supérieure et se mélange avec l’air de la salle qu’il pollue abondamment.

La plaie est à priori protégée par la masse d’air provenant du plafond à une vitesse de l’ordre de 25 à 30 cm/seconde.  Ce déplacement continu d’une masse d’air attire sur sa périphérie l’air environnant et le projette notamment sur les tables d’instruments, ceux-ci étant rarement couverts par des champs stériles.

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Les chirurgiens considèrent fréquemment que le débit d’air important diffusé en salle assure une protection suffisante, que la surpression protège la salle d’opération et que par conséquent, le sas est inutile.  Il ne reste alors aux architectes qu’à mettre cette théorie en application pour concevoir et construire des blocs opératoires générant des risques qu’il était facile d’éviter.

Les phénomènes décrits précédemment peuvent être reproduits expérimentalement avec une poire à fumée froide dans n’importe quel bloc opératoire qui dispose de salles équipées d’un traitement d’air assurant une surpression significative.

DE L’INTÉRÊT DU SAS DE PROTECTION DES SALLES D’OPÉRATION

Le sas crée une zone tampon entre le couloir contaminé et la salle d’opération à protéger. Il est généralement peu occupé, il est ventilé par un air de qualité égale à celle de la salle, qui est en surpression par rapport au sas, lui-même en surpression par rapport au couloir.  La dimension du sas doit permettre la fermeture de la première porte avant l’ouverture de la seconde. Ce principe élémentaire de séparation assure une protection efficace de l’ambiance environnant l’acte chirurgical. Cette organisation est incontournable dans l’industrie électronique ou pharmaceutique pour l’accès aux salles blanches, dans le but de prévenir toute contamination lors du process de fabrication. Il est surprenant que cette préoccupation échappe aux concepteurs des blocs opératoires et à leurs utilisateurs.

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Bloc opératoire sans sas

Le sas ne constitue pas une surface perdue. Il permet de positionner le lavabo chirurgical et de prévenir la diffusion dans l’ensemble du couloir des aérosols résultant du lavage et du brossage des mains. Il permet de stocker correctement des accessoires de table, ce qui évite de les empiler en salle d’opération. Il permet également de stocker les chariots équipés du matériel stérile nécessaire aux interventions programmées dans la salle, ceci dans le but d’éviter des allées et venues au personnel.

La configuration d’un bloc opératoire est soumise à de nombreuses contraintes et le schéma idéal ne peut pas toujours être appliqué. Dans les aménagements ou compromis nécessaires, il serait souhaitable d’intégrer tous les aspects qui permettent d’améliorer la sécurité du patient. La disparition des sas dans la conception des blocs opératoires, dits modernes, semble relever avant tout d’une sous information des concepteurs et des utilisateurs, qui n’intègrent pas la complexité des phénomènes aérauliques susceptibles de contribuer à la contamination de l’environnement chirurgical. Il est regrettable que ce point ne soit pas explicitement mentionné dans la dernière publication de la SF2H « Qualité de l’air au bloc opératoire et autres secteurs interventionnels » mai 2015, alors même que l‘avant-propos rappelle les recommandations de BOURDILLON sur ce point.

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