Vers la création d’un Fonds de compensations financières des erreurs médicales

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Vers la  création d’un Fonds de compensations financières des erreurs médicales
Tunisie

Selon plusieurs media tunisiens, un projet de loi relatif au droit des patients et à la responsabilité médicale est actuellement en cours d’élaboration.En seconde partie, nous faisons le point sur la prise en charge des erreurs médicales au Maroc.

En Tunisie

"C’est dans ce cadre  (du projet de loi indiqué ci-dessus) que le ministère de la Santé a réuni ( la semaine du  22/01/2018) des représentants d’organisations nationales, de syndicats professionnels et de la société civile, sous la présidence du ministre, Imed Hammami.

Ainsi, cette loi permet :

  • de délimiter les droits des patients lors de leur prise en charge par les structures et établissements de santé, de sorte à garantir leur sécurité et leurs droits fondamentaux, selon les normes de qualité, et notamment leurs droits à être informés des diagnostics, des traitements proposés, des actions préventives à effectuer, des moyens et méthodes disponibles pour leur traitement et surtout aux risques qu’ils courent et complications possibles.
  • de protéger les données personnelles des patients, et de leur octroyer droit d'accès  s à leurs dossiers médicaux.
  • d'attribuer une indemnisation aux  patients, en cas d’accident ou de faute médicale, avec une procédure simplifiée.

Le ministère souhaite instaurer un processus de règlement à l’amiable permettant aux victimes d'erreurs médicales involontaires d'obtenir une compensation financière, conformément aux conditions et procédures prévues dans ce même projet de loi fondamentale. Ce processus d’indemnisation sera supervisé par des comités régionaux créés à cet effet et présidé par un juge administratif ou judiciaire expérimenté. Si un consensus n’est pas trouvé, le patient pourra toujours recourir à la justice conventionnelle.

Cette loi obligera de passer par un examen médical effectué par un comité d'experts nommés à partir d’une liste d’experts judiciaires, afin de déterminer la responsabilité médicale. Elle mettra en place une formule de compensation des dommages liée aux accidents et erreurs médicales non-intentionnelles, dans les secteurs de la santé publique et privée, sur la base des partages des charges entre les différents acteurs du secteur.

En outre, cette loi permettra de mettre en place un système juridique et institutionnel pour assurer la sécurité des patients, prévenir des risques et des dommages associés au traitement pour réduire les erreurs médicales, conformément aux normes et recommandations émises dans ce cadre par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les procédures pénales en cas de décès ou d’erreur involontaire seront en adéquation avec les spécificités du travail effectué par les professionnels de la santé, l’objectif étant d’améliorer le climat de confiance entre les patients et les professionnels de la santé.

 

Erreurs médicales : La situation au Maroc

Dans un article de décembre 2016, le media aujourdhui.ma  rappelle "la création le 30 janvier 2011 de l’Association marocaine des victimes d’erreurs médicales. Cette ONG constitue un véritable espoir pour faire valoir les droits des victimes. Contacté par ALM, le président de l’association, Mohamed Himdi, relève que «depuis le début de l’année jusqu’à présent, nous avons reçu 16 dossiers qui ont été transmis au procureur». Ce chiffre dérisoire s’explique par le fait «que la majorité des personnes victimes qui ignorent l’existence de notre association ne déclarent pas leur accident ou l’erreur médicale», indique M. Himdi. Il faut aussi relever que depuis 2011, l’association ne dispose toujours pas de local faute de moyens. Et par conséquent, cette ONG travaille dans les locaux des associations de défense des droits de l’Homme. Si les dossiers déposés ont été relativement faibles pour ces différentes raisons, en revanche les appels téléphoniques ont été nombreux. «Durant toute l’année, nous avons reçu près de 500 appels. Les victimes appellent essentiellement pour avoir des conseils juridiques et pour être informées sur les pièces à fournir pour la constitution du dossier médical», précise-t-il."

 

En Juillet 2017, la depeche.ma a publié son enquête  :

"Au Maroc, difficile d’avoir des chiffres sur les erreurs médicales. Seule certitude: on en entend de plus en plus parler, notamment grâce aux réseaux sociaux. Selon ce cadre du ministère de la santé au sein du service contentieux, ”plus on a recours à la médecine et aux services de santé, plus les conflits patients-médecins augmentent”. Cruellement arithmétique…

Une obligation de moyens et non de résultats

Quelles sont les obligations de ces médecins? Une obligation de moyens et non de résultats. Le médecin doit tout mettre en oeuvre pour soigner ses patients mais il n’est pas contractuellement obligé de les guérir. Quand le praticien n’effectue pas tous les examens nécessaires, dans le cas de la fécondation in vitro citée par exemple, il ne respecte pas cette obligation.

“Il n’y a pas de loi spécifique sur les erreurs médicales”, explique Abdelali Alaoui, avocat spécialiste en droit civil. “L’erreur médicale, vis-à-vis de la loi, est considérée comme toutes les erreurs. Il faut apporter une preuve et passer devant une juridiction compétente qui va trancher sur la question”. Deux types de fautes sont mises en avant en matière d’erreurs médicales: la faute civile et la faute pénale.

La première est définie par le Dahir des obligations et des contrats (DOC). Dans son article 77, ce texte dispose que “tout fait quelconque de l'homme qui, sans l'autorité de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un dommage matériel ou moral, oblige son auteur à réparer ledit dommage, lorsqu'il est établi que ce fait en est la cause directe”.

Il existe ainsi une “obligation du médecin envers son patient dès lors qu’il commence son traitement”, souligne l’avocat. “Quand la faute est indéniablement reconnue par les experts, le tribunal a la responsabilité de fixer des dommages et intérêts”.

Abdelaziz Hatimy, avocat agréé auprès de la cour de cassation, nous renseigne quant à lui sur la faute pénale. Celle-ci est assimilée à une “faute lourde”. “La base pénale de cette faute se trouve dans les articles 432 et 433 du Code pénal relatifs à l’homicide et aux blessures involontaires. Sont prévus l’emprisonnement de trois mois à 5 ans et une amende de 1200 DH pour homicide involontaire, et l’emprisonnement d’un mois à deux ans et une amende de 1200 DH pour blessures involontaires”. Au-delà du DOC et du code pénal, d’autres textes législatifs dont “la loi sur la pratique de la médecine 131-13 et la loi sur la pratique des infirmiers 43-13, indiquent les principales lignes de conduite d’un médecin”, précise un cadre du ministère de la santé.

Encore faut-il prouver l'erreur...

“Il est difficile aujourd’hui, au Maroc, de prouver l’erreur médicale. Quand bien même on intente une action en justice, il est peu probable d’obtenir gain de cause”, affirme une victime d’erreur médicale. Nombreux sont les cas de complications, graves infections, coma ou même décès suite à une intervention chirurgicale. Est-ce une négligence ou une imprudence de la part du médecin? Un défaut d’information du patient? Une erreur de diagnostic? Une erreur de traitement ou une erreur technique? Difficile de prouver l’existence d’une erreur médicale. Que ce soit un oubli, une mauvaise exécution ou une mauvaise décision, la cause n’est pas toujours visible.

“La victime doit réunir toutes les informations sur les circonstances et les causes du préjudice, puis établir le lien de causalité”, affirme le cadre au ministère de la santé.

Autant dire que cette étape relève du parcours du combattant. De plus “l’erreur médicale n’est pas nécessairement fautive”. Un mauvais traitement et diagnostic ou une opération ratée, ne constituent pas des fautes dès lors que le médecin a exercé dans des conditions normales de compétence et d'attention. “La faute n’est donc pas rejetée uniquement sur le médecin, il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu pour la déterminer”, explique-t-il. “Il y a, d’une part, des facteurs qui incombent à la victime qui n’a pas bien suivi son traitement et dont l’état de santé s’aggrave après une opération. Et aussi des facteurs externes, qui sont liés au corps médical”.

Des procédures longues et coûteuses

“Si l’erreur est prouvée, la plainte peut être déposée. Dans ce cas là, l’Etat a la responsabilité de défendre tous ses fonctionnaires, y compris les médecins. Si le médecin exerce dans le secteur privé, la clinique ou lui même devra assurer sa défense”, précise Abdelali Alaoui.

Les médecins du secteur public sont représentés par un avocat, mis à leur disposition par le Ministère de la santé, dans les trois cas: “lorsqu’ils ont commis une erreur, lorsque l’erreur est commise par un membre de l’équipe médicale, et même lorsqu’ils n’ont commis aucune faute”, précise notre interlocuteur à la Santé. Les médecins sont ainsi mieux protégés que le malade et "le rôle du Ministère est avant tout de défendre tous ses fonctionnaires, parmi eux les médecins”.  

L’inspection générale du Ministère de la santé, enquête sur les parties au litige, “le service contentieux, chargé de la gestion administrative des dossiers, rédige des notes qui contiennent les propos des médecins, des infirmiers, du contrôleur judiciaire, et les plaintes des victimes, pour les transmettre au tribunal”, précise le cadre du ministère. S’il y a soupçon de faute pénale, le tribunal fait à son tour son enquête et procède à un jugement. Le Conseil de l'Ordre des Médecins contrôle pour sa part l’exercice de la profession et sanctionne.

Toutes ces démarches ne facilitent pas la tâche aux familles des victimes qui sont avant tout préoccupées par l’état de santé de leurs proches et se trouvent souvent découragées à l’idée d’entamer des procédures longues et coûteuses…"