Accueil du patient international en France en 2019 : concept ou réalité ?

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Accueil du patient international en France en 2019 : concept ou réalité ?
France

Depuis le rapport dit de Kervasdoué en 2015, le concept de l'accueil du Tourisme Médical  en France tente d'évoluer. A commencer par l'appellation en elle-même : " Tourisme de santé", "Accueil des patients étrangers" ou encore "Accueil du patient international" sont de plus en plus utilisés, pour éviter la connotation péjorative qui colle parfois à cette industrie en plein développement. 

Mettons de côté les articles anciens évoquant le fameux émir qui aurait privatisé tout un étage d'un hôpital public, ceux sur la dette des patients de certains pays, ceux sur les scandales de complications post-opératoires de chirurgie plastique d'opérations réalisées en low cost en dehors de la France, ou encore les soupçons de soins prodigués dans le cadre de l'AME (Aide Médicale d'Etat) à des étrangers.

Car chaque jour en France, des hôpitaux et cliniques reçoivent bel et bien des patients venus spécialement de l'étranger se faire soigner, dans un cadre plutôt organisé, ou qui du moins tend à l'être. Ces patients sont pris en charge pour des pathologies cardiaques, des interventions orthopédiques, des traitements oncologiques, des check-up santé, et autres motifs pas vraiment dits de confort. Et cela représente un pourcentage infime des 60 milliards d’euros du marché mondial qui est ici capté. Alors que l’excellence médico-chirurgicale française est reconnue.

Ainsi l'horizon français des acteurs de l'accueil du patient international se compose aujourd'hui :

  • d'hôpitaux publics 
  • d'hôpitaux privés d'intérêt collectif (ESPIC), à but non lucratif 
  • de cliniques privées
  • d'assureurs
  • de conciergeries médicales, qui proposent une panoplie de services au patient et/son accompagnant. Toutes ont en commun l'offre "Deuxième avis médical". L'organisation des RDV médicaux, la gestion des formalités administratives (visa, assurances) des transports, de l'hébergement, des visites touristiques sont proposés sous forme de forfaits ou à la carte. En dehors du deuxième avis médical, ces agences de coordination sont rémunérées au pourcentage à chaque étape ou bénéficient de conditions financières spécifiques. Un abonnement payant permet aux établissements de santé partenaires d'être en vitrine sur la plateforme internet gérée par ces mêmes conciergeries, ce qui assure à ces dernières un complément de chiffre d'affaires.
  • de Départements Patients Internationaux, installés dans le secteur public ou privé, dont la gestion est confiée à un opérateur externe.

Certains parmi les acteurs cités ci-dessus ont rejoint un groupe dédié, au sein de l’association French Healthcare, lancée en 2017 par le ministère des Affaires Etrangères. L’objectif de la marque est de mettre en valeur « les réels atouts français : sa médecine réputée, ses prix compétitifs, ses délais d’attente encore raisonnables » et elle compte sur la demande croissante en tourisme médical, due à « la mondialisation des échanges, des moyens de transport et la démocratisation des soins ». C’est un début notable de volonté de structuration de l’offre.

La liste ci-dessus va assurément s’allonger à moyen terme, car, comme nous avons pu le constater en participant au Village du Tourisme médical (proposé par IFTM Top Résa à Paris du 01 au 04 octobre dernier) : sur notre stand, de nombreux visiteurs au profil varié sont venus faire part de leur projet de s’insérer dans la chaîne de prise en charge du Patient International. Des transporteurs (air, route), des agents de voyage par exemple se positionnent et réfléchissent à développer ce segment dans leur activité globale.

L’équipe Hospihub, depuis 2014, à l’occasion de congrès ou salons hospitaliers au Maghreb ou en Afrique de l’Ouest, est habituée à la présence de cliniques, conciergeries, assureurs, ou transporteurs dans la zone d’exposants. Sur les stands, des responsables commerciaux, des médecins, venus de Tunisie, de Turquie, du Maroc, de Jordanie, du Liban expliquent leur offre médico-chirurgicale, leur process pour le patient étranger, montrent des vidéos de leur établissement, distribuent de la documentation, nouent des liens avec les autres exposants, en vue d’éventuels partenariats. Des rendez-vous avec des délégations officielles sont organisés, permettant de rencontrer les représentants de tutelles sanitaires, ou diplomatiques…

Force est de constater qu’en France, ils ont été très rares à participer au Village Tourisme médical de IFTM Top Resa : trois au total, abritant deux conciergeries françaises, deux entités hospitalières français, un media français (Hospihub) et un réseau de tourisme médical libanais (Medical Tourism Network).

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IFTM-Top Resa 2019 : Stands du Village Tourisme médical  - crédit photos : Dr Prem Jagyasi

Notons que si le principe d’exposer a été boudé par ceux qui affichent leur volonté de développer cette activité en France, celui de participer à une des trois conférences, ou d’y assister a attiré davantage, et permis de premiers échanges intéressants.  

L’environnement Tourisme a pu rebuter, mais ce village y avait bien sa place, au vu du grand nombre de visites et demandes reçues. Il s'agissait de la deuxième édition de ce village : son arrivée dans le panorama de la santé fera l'objet d'une promotion plus intense dès 2020.

De plus en plus d’occasions vont s’offrir aux acteurs français de participer à des congrès médicaux, hospitaliers ou entièrement dédiés au Tourisme Médical, un peu partout dans le monde, en particulier en région MENA ( Middle East - North of Africa). En effet tout un écosystème de pays exportateurs, et réceptifs s’y retrouvent, et côtoient des experts en communication, en formation, en management, en accréditation. Des réseaux s’y mettent en place, des échanges se programment, de l’Inde à la Tunisie en passant par les Emirats Arabes Unis, pour le moment sans aucun représentant français, sauf en tant que visiteur.

Les hôpitaux allemands - concurrents européens les plus importants de la France dans ce domaine puisque le Tourisme de santé y représenterait un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 milliards d’euros, contre 120 millions en France pour 2018 - n’y sont pas représentés non plus.  Ils ont une bonne longueur d’avance, et leur marché cible davantage les pays de l’Est.

Certains hôpitaux français, portant une haute expertise dans une spécialité, participent ensemble, sous pavillon français, à des congrès hors France, consacrés à une spécialité.

Pour que la manipulation du concept « Accueil du Patient International » se transforme en réalité en France, il nous parait nécessaire d’envisager une meilleure visibilité auprès des pays francophones : sur le web, sur les réseaux sociaux, ainsi qu’en présentiel sur les congrès dédiés au secteur. Bien entendu, la mise en œuvre d’actions spécifiques en interne est prioritaire : il est toujours plus aisé de communiquer sur une organisation dont a été éprouvé le niveau de qualité.

Une bonne organisation fait appel à des notions de conception, de formation du personnel, de communication avec le patient, de gestion des risques, de qualité, de droit, de sécurité, de sécurisation des données, de sécurisation des paiements, de marketing : des thèmes que nous aborderons bientôt plus régulièrement sur Hospihub, dans le cadre d’une nouvelle rubrique.