HOSPIHUB inaugure une nouvelle série de 6 articles qui vont se succéder sur le site chaque semaine pour aborder un sujet qui concerne la plupart de ses lecteurs.
GESTION DES RISQUES ET HYGIENE HOSPITALIERE DANS LES ETABLISSEMENTS DE SANTE EN AFRIQUE – ARTICLE 1
Ce texte relate une longue expérience, vécue en France et ailleurs, avec toujours le même objectif, améliorer la qualité des soins et la sécurité des patients. Il ne prétend pas être exhaustif ni apporter de solutions à tous les problèmes qui se posent dans une structure de soin. Il a pour objectif de mettre en évidence les points prioritaires et de susciter les réflexions et les discussions.
Le manque de moyens est une évidence en Afrique, sous toutes les latitudes. C’est un fait à prendre en compte mais qui ne doit pas conforter la résistance des professionnels au changement
APPREHENDER LA REALITE OBJECTIVE
La gestion des risques et l’hygiène sont une constante qui s’impose dans les hôpitaux d’Afrique et d’ailleurs. La différence d’approche tient à l’environnement climatique, à la culture, mais surtout aux infrastructures et aux moyens financiers et humains dont dispose chaque pays.
Du fait des limites d’efficacité et du coût de plus en plus élevé du traitement par antibiothérapie, l’hygiène, parfois considérée comme l’expression d’un intégrisme tatillon, se révèle d’une importance essentielle dans les hôpitaux. La prise de conscience des pays riches concernant l’étendue des antibiorésistances, face à l’absence de propositions de nouvelles molécules par l’industrie pharmaceutique, débouche aujourd’hui sur de grandes inquiétudes et conduit à envisager l’ère post antibiotiques, sans disposer pour le moment de solutions de substitution.
Les infections nosocomiales résultent par définition d’une contamination, le plus souvent liée au soin. La question qui se pose ne doit pas se limiter à la recherche du geste contaminant, mais à l’analyse de toutes les conditions qui ont permis que ce geste devienne contaminant. Elles sont multiples car un hôpital est une structure complexe où les risques se conjuguent et parfois se potentialisent. Une mauvaise qualité des installations et une maintenance technique insuffisante conduiront inévitablement à la contamination de patients par des réseaux d’eau ou de ventilation. Une mauvaise organisation des locaux ne permettra pas aux soignants de se laver les mains entre deux patients. Un établissement mal conçu regroupe ainsi de multiples risques potentiels qui révèleront petit à petit leur dangerosité, la plupart du temps sans qu’un lien soit établi entre l’état réel de la structure et les conséquences pour les patients. Pour envisager efficacement la gestion des risques dans un hôpital, dont le risque infectieux, il est préférable d’intégrer toutes ces données.
Face à cette réalité, la réaction naturelle de tout responsable de structure sanitaire est de se référer à ce qui se fait de mieux, à savoir les organisations des pays riches et en particulier celles où il a étudié. Il va donc tendre, dès que possible à reproduire dans son établissement les systèmes existants dans ses pays de référence. L’intention est louable, mais la mise en œuvre va se heurter rapidement à des problèmes de culture, d’organisation, de formation et de moyens. Il est ainsi possible de constater dans certains pays un grand décalage entre le discours des cadres du ministère et la réalité objective du terrain.
C’est pourquoi il parait souhaitable de rechercher d’autres voies, d’utiliser d’autres méthodes peut être moins sophistiquées, mais mieux adaptées à la réalité et aux moyens des pays en développement.
Crédit photo : Croix Rouge Internationale
ETRE DURABLEMENT EFFICACE AVEC DES MOYENS LIMITES
Depuis longtemps, chacun s’est habitué à faire avec qu’il a et petit à petit, à s’en satisfaire. Dans ce contexte, aborder le changement n’est pas aussi facile qu’il pourrait le paraitre. La démotivation est réelle, soutenue par les faibles revenus et les difficultés de la vie quotidienne. Dans certains cas, des initiatives de progrès ont été conduites ponctuellement par des ONG, mais plus rarement sur le long terme. Améliorer la qualité des soins est cependant une évidence pour chacun, en particulier pour les professionnels. Toute la question est de leur proposer des objectifs crédibles, qui leur paraissent accessibles. Ceci peut ressortir d’un plan d’action concret et certainement pas des discours à la mode sur l’accréditation et la certification. Pour être durablement efficace, il faut durablement convaincre ceux qui, chaque jour, exercent dans les hôpitaux et les cliniques et pour cela :
Etre pragmatique
- Parce qu’il faut toujours voir quelles seront les conséquences permanentes du changement qui est envisagé :
- Comment elles seront vécues,
- Comment il faut les amener, quelle préparation est nécessaire, en termes d’équipements, d’organisation, de formation
- Quel sera le coût permanent de cette modification
Il est préférable de s’abstenir si la pérennité n’est pas assurée. Il est catastrophique d’amener une équipe à régresser par manque de moyens, alors qu’elle a cru au changement, c’est une situation durablement démotivante.
Etre documenté et rigoureux
- On ne peut être critique et constructif qu’en restant objectif et en s’appuyant sur une solide documentation technique et scientifique. Ce travail prend du temps mais il est facile à réaliser aujourd’hui grâce à Internet. Il est possible de s’informer très précisément en se référant à des sources différentes. Les plus courantes sont citées à la fin de ce texte. Il est cependant conseillé de rester critique vis-à-vis de solutions conçues dans des pays riches qui disposent de moyens financiers plus importants.
Etre créatif et économe
- Quand on dispose de moyens limités, il faut optimiser, faire au mieux avec ce qu’il y a et ne pas hésiter à recourir aux anciennes pratiques, même si elles ne correspondent pas aux recommandations évoquées -ci-dessus. Par exemple s’il est impossible de se procurer des solutions détergentes désinfectantes, il est possible de laver les sols avec de l’eau et du savon, de rincer et de passer de l’eau de Javel à condition de bien former le personnel et de maitriser le stockage du produit.
C’est avec cette méthode que pendant des décennies, les hôpitaux sont restés propres, avant que n’apparaissent les actuels détergents-désinfectants. Mais il faut être conscient que cette pratique est délicate et dès que possible, recourir à des moyens mieux adaptés. Rappelons qu’il est important d’envisager la pérennité des actions difficilement mises en place et de veiller à ne pas décevoir par manque de moyens.C’est pourquoi gérer le changement dans l’organisation d’un établissement et dans les pratiques professionnelles, passe par un véritable partenariat avec sa Direction générale. Mais celle-ci doit aussi jouer son rôle et respecter ses engagements financiers.
L’économie passe également par une utilisation judicieuse de produits adaptés et parfois, par la mise en question des affirmations péremptoires de certains vendeurs, qui sont bien souvent les seuls vecteurs d’information technique.
Des sommes importantes sont consacrées chaque année à l’achat de produits de désinfection par voie aérienne. Ils peuvent être efficaces, mais pas tous et pas dans n’importe quelles conditions. Un pharmacien devrait décider de ces achats. Dans tous les cas, ces produits ne peuvent compenser un nettoyage préalable défectueux.
Donc, avant de consacrer de l’argent aux désinfectants, il faut prioritairement se donner les moyens d’un nettoyage efficace.
Malheureusement, cette fonction essentielle à la sécurité de tous est négligée, confiée à du personnel méprisé, non formé et non encadré. La tendance est aujourd’hui de s’en débarrasser en sous-traitant le nettoyage à des sociétés extérieures où le personnel, souvent illettré, est encore moins bien considéré. Il est de ce fait étranger au service et ne participe à aucun moment à la prise en charge du patient. Pourtant, le personnel de nettoyage est celui qui passe le plus de temps dans la chambre, à qui le patient va parfois confier des informations. Il est important qu’il soit intégré dans l’équipe pour les faire remonter aux soignants. Il doit également être informé d’éventuelles précautions à prendre, pour sa sécurité et pour celle des autres patients, à qui il peut transmettre des contaminations.
Les méthodes de nettoyage employées sont fréquemment archaïques, inadaptées, contaminantes et de fait assurent une égale répartition de l’écologie microbienne du service dans tous ses locaux. Ceci s’applique au bloc opératoire où les précautions concernant les interventions septiques ne sont pas toujours prises en compte.
Il est fréquent de penser que la désinfection miraculeuse va compenser ces graves lacunes. C’est un leurre. On ne désinfecte que ce qui est propre, les désinfectants étant neutralisés par les protéines. Ce qui se vérifie très facilement en pratiquant des contrôles microbiologiques des surfaces, avant et après nettoyage et désinfection, avec des boites contact.
La désinfection par voie aérienne présente un intérêt limité à quelques cas particuliers. En général, la désinfection de contact est plus efficace, mais elle est plus exigeante. Il ne suffit pas de mettre un appareil au centre de la pièce et d’aller faire autre chose. Il faut déplacer chaque objet, le soulever pour traiter toutes les faces, projeter du spray sur les parois et le sol. Selon le cas cela prend un peu de temps et dans les salles d’opération ou de réanimation, cette méthode exige que les locaux soient débarrassés de tout emballage stérile. En effet, la pulvérisation d’un liquide sur un emballage stérile va le dé stériliser. Le système de ventilation doit fonctionner pour évacuer les gouttelettes de produit qui restent dans l’atmosphère et le personnel doit porter un masque. Beaucoup de contraintes qui font que cette méthode, de loin la plus efficace, n’a pas la préférence des services.
Il est beaucoup plus confortable de croire qu’un produit miracle va obtenir les mêmes résultats sans s’imposer cette préparation. Pour compléter l’inefficacité de la méthode, il est fréquent que la diffusion du désinfectant soit effectuée avec la ventilation en marche dans les salles d’opération.
En conséquence, chaque hôpital consacre chaque année une part significative de son budget à des dépenses inutiles, car sans efficacité réelle. Il serait préférable de consacrer davantage de moyens au nettoyage et de dépenser moins en désinfectants. Dans tous les cas, une formation du personnel qui assure chaque jour ces taches fatigantes est nécessaire, ce qui serait un moyen de le revaloriser et de lui donner la place qu’il mérite dans le fonctionnement des services.
Eléments de bibliographie, pour la plupart accessibles sur Internet
- Site hospihub.com : La stérilisation des dispositifs médicaux dans les hôpitaux du Maghreb
- Hygiène et qualité hospitalières – Editions Hermann Paris – 1996 Breack Patrick
- Collection les guides du BTEC Guide de pratique Annie Laberge Université Laval Québec : les infections de sites chirurgicaux -associées à un implant en orthopédie : les connaitre, les reconnaitre et les prévenir.
- Guide des bonnes pratiques au bloc opératoire. Services de santé et médecine universitaire du Québec
- Les soins infirmiers péri opératoires. Lignes directrices pour les activités des infirmières en salle d’opération. Ordre des infirmières et infirmiers du Québec
- Guideline for prevention of surgical infection 1999 Alicia J Mangram- Teresa C Horan- Michele L Pearson National Center for infectious disease – Center for disease control and prevention (CDC) Public health service
- Room ventilation system American society of anesthesiologists Kamal Maheshwari
- Dispensation des médicaments Evaluation des erreurs à différentes étapes du processus Meier Béatrice Genève
- Guide- Outil de sécurisation et d’auto évaluation de l’administration des médicaments HAS France
- Guide- La sécurité des patients, mettre en œuvre la gestion des risques associés aux soins en établissement de santé – HAS France
- Les accidents hospitaliers du risque à la prévention Margot Phaneuf, Chantal Gadbois Infiressources mai 2009 Québec
- Solidarité Santé Enquête sur les évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé n°17 – 2010
- ANSM Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé France
- Guide pratique d’hygiène – Règles de bonne utilisation des antiseptiques Centre hospitalier d’Hyères – Service d’Hygiène 2012
- Guide des bonnes pratiques de l’antisepsie chez l’enfant SFHH – 2007
- Guide OMS Ventilation naturelle et lutte contre les infections en milieu de soins
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